Cinquième dimanche de Carême - année C
17 mars 2013
Les
textes du jour
« Tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère maintenant comme une perte » affirme Paul après avoir découvert le Christ. De quels avantages parle-t-il ? De ceux donnés par son statut social et sa formation religieuse : Hébreu et fils d’Hébreux, circoncis, pharisien irréprochable au regard de la loi, zélé pour persécuter les chrétiens (cf. Ph 3, 4-6). En un mot, de tout ce qui pouvait lui donner de l’assurance à ses propres yeux, de compter sur ses seules forces. À vue humaine, il avait tout pour réussir.
Jusqu’au jour où il rencontre le Christ, se laisse saisir par lui, et toutes ses priorités s’en trouvent bousculées. Ce qui était premier devient second – et non secondaire – en vue d’un seul avantage : le Christ. Il découvre alors que ce qui le rend juste devant Dieu ce n’est pas ce qu’il fait mais la foi qu’il met en Christ. Et cela est suffisamment fort pour qu’il perçoive désormais un nouvel élan dans sa vie : il court « vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut, dans le Christ » (2ème lecture).
Cette femme adultère qui croise le chemin du Christ est-elle repartie en courant, par peur que les Juifs ne viennent la rechercher ? Le texte ne le dit pas. Mais sans doute est-elle repartie en courant vers cet avenir que le Christ lui avait ouvert : « Je ne te condamne pas. Va ! » Comme Paul, elle s’est laissé saisir par le Christ, attendant la sentence tandis que Jésus se baisse pour tracer des traits sur le sol, accueillant la miséricorde quand Jésus reste seul face à elle et se relève.
Et pourtant nul doute que la loi de Moïse la condamnait puisqu’elle avait été prise en flagrant délit. De façon étonnante, Jésus ne fait aucune allusion directe à ce qu’elle a commis. Tout au mieux lui intime-t-il l’ordre de ne plus pécher. Il ne lui fait pas la morale mais l’ouvre à une réalité toute nouvelle : elle, la pécheresse, est digne de confiance de la part de Jésus. « Voici que je fais un monde nouveau » (1ère lecture).
Quelle est donc cette nouveauté que Dieu veut réaliser en chacun tandis que se termine notre marche vers Pâques ? Dieu proclame : « Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé » (1ère lecture). Dieu ne nous enferme pas dans notre passé. Et lorsqu’il le rappelle c’est toujours pour redire son Alliance. Lorsqu’Isaïe proclame : « Le Seigneur fit une route à travers la mer…, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux… » (1ère lecture) il fait mémoire de l’Exode mais pour redire que c’est Dieu qui a libéré son peuple en le faisant traverser la Mer Rouge.
Notre vie est le lieu concret de l’Alliance que Dieu veut vivre avec nous. N’est-ce pas l’enjeu de toute conversion : accepter d’entrer dans cette Alliance, de dépendre de l’amour de Dieu pour trouver là notre liberté intérieure. Mais que peut nous apporter cette Alliance quand il nous semble que nous arrivons à construire notre vie et nos relations sans nécessairement avoir besoin de Dieu ?
Il ne suffit pas de croire que Dieu nous aime ; il nous appartient de vivre de cet amour. Tous nous faisons l’expérience de nos maladresses à aimer. C’est cela le péché. Il n’est pas d’abord un manquement à la Loi – on reste alors au niveau de la morale – il est le refus d’aimer l’autre, Dieu ou soi-même. Entrer dans l’Alliance, c’est reconnaître devant Dieu nos difficultés à aimer et choisir d’apprendre de lui à aimer davantage comme lui. Peu à peu le péché nous enferme sur nous-mêmes et nous conduit à l’enfer. Or Dieu nous offre toujours un avenir « Va ! » Le sacrement de réconciliation nous est donné par l’Eglise pour célébrer notre entrée dans l’Alliance chaque fois que le péché la rompt.
Il est pourtant un point sur lequel Dieu ne peut rien : le refus de reconnaître son péché en en minimisant la réalité. C’est ainsi que se situaient les pharisiens qui présentent à Jésus cette femme. Ils étaient en règle avec la Loi ; ils n’étaient donc pas pécheurs et pouvait alors se permettre de juger celle qui était une pécheresse publique. Avec un regard faussé ils enferment cette femme dans son acte en refusant de considérer leur propre attitude.
Ne jamais vivre le sacrement de réconciliation peut nous conduire à une vie où nous comptons alors sur une fausse assurance de nous-mêmes. Pire, cela nous permet de juger les autres ! Si Jésus ne condamne pas cette femme, il condamne le péché : « Désormais ne pèche plus ! » Il l’appelle à un acte de vérité et d’ouverture confiante. Il l’invite à construire un nouvel avenir, forte de la confiance reçue de la part de Jésus. Vivre le sacrement de réconciliation, c’est entendre le Christ nous ouvrir un avenir et avancer sur cette route en puisant notre force dans la confiance qu’il nous renouvelle.
Père Bruno