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Quatrième dimanche de carême - année C                    14 mars 2010

Les textes du jour (cliquez ici)

« Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2ème lecture). Cette affirmation de Paul se trouve admirablement illustrée dans cette parabole bien connue de saint Luc. Appelée souvent parabole du fils prodigue, elle décrit bien davantage la prodigalité du Père envers chacun de ses deux fils.

Père étonnant qui donne sans hésiter à son cadet sa part d’héritage, exprimant par là qu’il ne veut plus de son père (on a l’héritage au décès de la personne) ; et pourtant son père attend désespérément son retour. Père étonnant encore qui se jette au cou de son fils qui a conscience qu’il ne vaut guère mieux qu’un ouvrier mais à qui le père rend sa dignité (la bague correspond au sceau de son père et les sandales sont celles que porte l’homme libre). Père étonnant enfin qui va chercher son fils aîné pour le supplier d’entrer et qui répond à son refus par « toi, mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi ».

Figure d’un père qui donne son amour sans compter, sans juger. Le fils cadet veut vivre sans son père ; le fils aîné vit avec son père une relation de donnant-donnant. Aucun des deux finalement n’a vraiment découvert l’amour inconditionnel de leur père. Et il faut que le fils cadet accepte de revenir pour découvrir qu’il était non seulement aimé mais espéré. C’est dans cette même dynamique que nous entendions cette supplication de Dieu le mercredi des cendres : « Revenez à moi de tout votre cœur » (Joël 2,12).

Le carême est un temps pour revenir à Dieu et se laisser relever par son amour que rien n’altère pas même notre péché. Mais encore faut-il que nous voulions vivre une vraie relation d’amour avec Dieu. Le fils aîné de la parabole fait sans doute tout très bien, ne désobéissant jamais à son père, mais il n’y a pas vraiment de relation avec son père comme avec son frère. D’ailleurs ne dit-il pas « ton fils » quand son père est allé le chercher alors que le père insiste pour le nommer « ton frère ».

À travers cette parabole, Jésus nous propose de considérer la relation que nous avons avec Dieu, et plus largement avec tout homme. Saint Luc précise que Jésus dit cette parabole à des publicains et des pêcheurs venus l’écouter tandis que les pharisiens et les scribes récriminent contre lui. Quand on enferme Dieu dans des pensées toutes faites, on le « chosifie ». C’est dans ce contexte que nous pouvons entendre cet appel que nous adresse saint Paul : « au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2ème lecture).

Il est remarquable que Paul ne dise pas : « réconciliez-vous avec Dieu » mais « laissez-vous réconcilier avec Dieu ». La miséricorde de Dieu ne se montre efficace dans nos vies que dans la mesure où nous la laissons opérer. C’est notre manière de coopérer à notre salut : consentir à l’œuvre de réconciliation divine en nous. Le carême est un temps privilégié pour expérimenter la joie d’être pardonné.

Le sacrement de réconciliation est le lieu par excellence où nous pouvons nous laisser réconcilier avec Dieu. Comment se fait-il que nous hésitions souvent à le vivre. Par peur ? Par souci de tranquillité ? Se confesser, c’est donner à Dieu la joie de nous faire de nous « une créature nouvelle » (cf. 2ème lecture), de nous relever par son amour. Si la démarche de ce sacrement est difficile, elle est d’abord une démarche où nous confessons l’amour que Dieu a  pour nous avant de confesser nos refus d’aimer, notre péché. C’est donc l’expérience d’une action de grâce comme celle qu’a dû témoigner le fils cadet quand il a éprouvé l’amour débordant de son père.

Ne pas se confesser, c’est comme empêcher Dieu de nous donner tout son amour alors que notre vie trouve en lui sa vraie fécondité. C’est un peu comme si nous préférions la manne aux fruits produits par la terre donnée par Dieu, comme nous le trouvons écrit dans le livre de Josué (1ère lecture). Si l’amour de Dieu nous est donné comme la manne était donnée au fils d’Israël qui marchaient dans le désert, se réconcilier avec Dieu c’est entrer dans cette terre promise par Dieu pour que notre vie produise du fruit en abondance. Comment se fait-il que nous préférions bien souvent la manne aux fruits savoureux que Dieu veut avec nous ?

En poursuivant notre route vers Pâques que ce carême soit pour nous l’occasion de nous laisser renouveler par Dieu à travers sa miséricorde. C’est ainsi que nous serons sa joie et que Dieu laissera éclater sa joie en nous. Voilà qui peut-être un véritable « effort » de Carême, mais vécu de la manière dont le psalmiste l’évoque ; « J’ai dit : "Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés." » Ps 32(31)

Père Bruno