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 Quatrième dimanche de Carême

 Année A              3 avril 2011

Étrange épisode que nous livre Saint Jean : la guérison d'un aveugle qui ne demande rien et qui ne verra Jésus qu’à la fin de ce long épisode. Dans l'Évangile de Jean, il n'est pas question de miracle mais de signe : « L'action de Dieu devait se manifester en lui ». Ce récit est entièrement construit sur l'opposition entre ceux qui disent voir et sont aveuglés par leur péché et cet aveugle qui, guéri, voit Jésus.

L'attitude des voisins, des parents, des pharisiens est identique : les uns sont aveuglés par leur connaissance, les autres par leur peur et les troisièmes par leur savoir. Les voisins sont tellement habitués à rencontrer cet aveugle, mendiant, que certains sont incapables de le reconnaître quand il raconte comment il a retrouvé la vue. Les parents, eux, ont peur d'être expulsés de la synagogue. C'est pourquoi ils préfèrent rester étrangers à la guérison de leurs fils. Les pharisiens sont ceux qui savent : « Nous savons que cet homme est un pécheur » ; « Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé »... Ils sont alors incapables de s’émerveiller de ce qui est arrivé à cet aveugle.

Voilà autant de domaines où nous-mêmes pouvons être aveuglés : lorsque nous enfermons les personnes dans ce que nous croyons connaître d’elles ; lorsque la peur du regard des autres nous empêche d'être nous-mêmes ; lorsque nous réduisons nos vues à notre savoir en refusant de nous ouvrir à l'inattendu. Le péché n’est pas d’abord un acte mauvais que nous commettons, il est un enfermement sur soi, une attitude qui consiste à voir les autres, Dieu, le monde, à partir de soi. C’est en ce sens, qu’il est une cécité volontaire.

L'aveugle de naissance, quant à lui, ne sait pas qui est Jésus mais il reconnaît ce que Jésus a accompli en lui. Il raconte à qui veut l'entendre le récit de sa guérison qui, notons-le, n'a pas été magique. Certes Jésus a pris de la boue, en a frotté ses yeux, mais celui-ci a dû aller se laver à la piscine de Siloé. Il s'est mis en route sur la parole de Jésus, en toute confiance, avant de retrouver la vue. Invitation pour chacun d'entre nous à être attentifs à ce que le Seigneur accomplit en nous, à nous mettre en route sur sa Parole et non sur la réalisation attendue de signes.

L'Évangile se termine par la rencontre – enfin ! – de Jésus avec l'aveugle de naissance. Là encore, c’est Jésus qui vient le trouver. Dans un dialogue très simple, il fait passer celui qu’il a guéri du voir au croire : « Tu le vois » – « Je crois ». Désormais cet homme croit en Jésus et non plus en ce qu'il a fait pour lui. C'est dans cet acte de foi que prend toute sa dimension la déclaration de Jésus : « Je suis la lumière du monde ».

Dans notre marche vers Pâques nous sommes plus particulièrement invités à croire, à faire confiance, à cette lumière dont Jésus veut éclairer notre vie. Laisser éclairer notre vie par la lumière du Christ nous rend libres, cette liberté dont témoigne l'aveugle devant tous ceux qui l'interrogent. Nos cécités nous rendent bien souvent prisonniers de nous-mêmes. Nous demeurons alors à la périphérie de nous-mêmes et des autres, nous nous arrêtons à l'apparence des personnes. Or, si « les hommes regardent l'apparence, le Seigneur regarde le cœur » (1ère lecture).

Bien sûr, laisser le Christ éclairer notre cœur et mettre en pleine lumière la vérité de ce que nous sommes, c'est accepter qu'apparaissent encore plus nos zones d'ombre, ses parties obscures de nous-mêmes que nous acceptons parfois pour éviter d'avoir à nous convertir. De façon étonnante, il nous semble plus facile de vivre à moitié, en supportant le péché, que de vivre pleinement en laissant le Christ démasquer notre péché !

Nous sommes alors face à un choix : « Sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur », nous dit Saint Paul (2ème lecture). Démasquez les activités des ténèbres ! Cela suppose de notre part que nous décidions de vivre « comme des fils de lumière ». Saint Paul affirme même : « Vous êtes devenus lumière ». Nous sommes appelés à rayonner par toute notre vie la lumière du monde qu’est le Christ, en choisissant ce qui produit « bonté, justice et vérité ». Dans l’Evangile de saint Matthieu, Jésus nous dit très explicitement : « Vous êtes la lumière du monde. Que votre lumière brille devant les hommes ». (Matthieu 5, 14.16)

Une nouvelle fois, l'Évangile nous met devant une alternative : marcher dans les ténèbres ou suivre la lumière. Spontanément, nous choisissons la lumière et pourtant !... Tout commence par reconnaître humblement que nous sommes aveugles, que nous sommes pécheurs. Nous n'avons rien à craindre de la lumière du Christ. Un des lieux où nous sommes particulièrement inondés par cette lumière est le sacrement de réconciliation, qui nous centre, non pas sur notre péché, mais sur l’amour de Dieu qui renouvelle en nous toute sa confiance en nous pardonnant, qui nous remets debout illuminés par la lumière du Christ. Voilà une démarche concrète que nous pouvons décider de vivre d’ici Pâques. « Relève-toi d'entre les morts, et le Christ t’illuminera ! »

Père Bruno