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Troisième dimanche de Carême - année C

03 mars 2013

Les textes du jour (cliquez ici)

Les paroles de Jésus peuvent nous sembler dures. Par deux fois, il insiste : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous ». Tandis qu’il est interrogé sur le sens de la mort des Galiléens massacrés par Pilate, Jésus nous adresse un appel pressant pour que nous nous convertissions. À l’époque de Jésus, il était couramment admis que si quelqu’un subissait une maladie ou une mort tragique, c’était la conséquence de son péché, voire même celui de sa famille (cf. la rencontre avec l’aveugle-né et la réaction des disciples :Jean 9, 2). Cela sous-entend que ceux qui posent la question à Jésus ne se considèrent pas pécheurs.

Jésus ne répond pas sur le sens de la mort et de la maladie mais il rejoint l’homme dans sa mort et sa maladie. C’est pourquoi il ne donne pas de raison au massacre de ces Galiléens pas plus qu’à la mort des dix-huit personnes écrasées par la tour de Siloé. Par contre, il affirme très clairement que tout homme, s’il ne se convertit pas, périra. Cela pourrait-t-il contredire le fait que l’Écriture nous révèle aussi un Dieu miséricordieux, « lent à la colère et plein d’amour » (psaume) ? Certainement pas ! Mais la miséricorde n’est pas un dû ; elle n’est pas automatique.

C’est le sens de la petite parabole que nous donne Jésus. Ce figuier qui ne produit pas de fruits correspond à l’homme pécheur, car c’est Dieu qui donne à notre vie de porter du fruit. Le péché nous coupe de Dieu et prive notre vie de sa fécondité. Il serait légitime de couper le figuier stérile puisqu’il épuise la terre. Il serait humain que Dieu finisse par se détourner de nous quand nous nous obstinons dans notre péché. C’est la réaction du maître de la vigne qui n’est pas Dieu, mais une fausse représentation de Dieu. Le vigneron, quant à lui, correspond au Fils que le Père nous a envoyé pour bêcher notre cœur, le façonner pour nous apprendre à aimer comme Dieu.

Mais encore faut-il vouloir nous convertir. On pourrait dire : encore faut-il que ce figuier veuille porter du fruit après tout le soin prodigué par le vigneron. Sinon il se condamnera lui-même à être coupé. L’homme qui volontairement se ferme à la miséricorde de Dieu se condamne lui-même à périr : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous ». La conversion consiste à décider de revenir à Dieu de tout son cœur. Or bien souvent l’homme préfère s’enfermer dans son péché, dans sa volonté d’avancer tout seul, préférant même parfois récriminer contre Dieu comme le mentionne Saint Paul. Or toute l’Écriture nous est donnée pour nous avertir de la conséquence de notre entêtement (cf. 2ème lecture). Comment alors nous tourner vers Dieu de tout notre cœur ?

La première lecture nous montre Moïse. L’épisode du buisson ardent peut être lu comme la conversion intérieure de Moïse. Avant cet épisode, Moïse, habité par un profond sentiment de justice, s’entête à vouloir intervenir par lui-même. C’est pourquoi il n’hésite pas à tuer un Égyptien qui frappait un Hébreu, ce qui l’oblige à fuir l’Égypte (cf. Exode 2). A la fin de l’épisode du buisson ardent, c’est Dieu lui-même qui envoie Moïse libérer ses frères et non sa seule volonté. Comment s’est opérée cette conversion ? En voyant le buisson qui brûlait sans se consumer, Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire » (1ère lecture).

Se convertir, c’est faire un détour, c’est nous détourner de nos certitudes, voire même de nos bonnes résolutions, pour laisser Dieu nous façonner de l’intérieur. C’est vivre avec Dieu une juste distance, à l’écoute de celui qui nous appelle : « Moïse, Moïse ! », mais sans chercher à mettre la main sur lui, à l’enfermer dans nos actes : « N’approche pas ici ! ». C’est choisir de voir et d’écouter le monde et nos frères avec la même attitude que celle de Dieu : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple… et j’ai entendu ses cris ». C’est se laisser envoyer par Dieu lui-même rejoindre nos frères dans le quotidien de notre vie : « Maintenant, va ! Je t’envoie chez Pharaon ».

Cette troisième semaine de carême est l’occasion pour nous de faire un détour, de renouveler notre manière de nous présenter à Dieu et de recevoir de lui notre façon de vivre chaque chose. Nous pouvons prendre le temps, durant toute cette semaine, de faire résonner en nous le nom que Dieu donne de lui-même : « Je suis ». Il est le Dieu de la présence fidèle à nos côtés, une présence qui nous inonde de son amour gratuit. Notre Dieu est le Dieu des relations aimantes, le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, c’est-à-dire le Dieu qui nous rejoint dans notre histoire personnelle. Avant de vouloir faire, même pour lui, commençons par nous rendre présents avec notre cœur à celui qui est déjà là.

Prendre du temps pour nous attacher à sa présence discrète et fidèle dans notre histoire, se tenir gratuitement devant lui, c’est ainsi que commence la conversion que Dieu attend de nous. C’est ainsi que peu à peu nous nous ajustons à lui. Sans cela, nous périrons en prenant le risque de nous écouter nous-mêmes. Certes Dieu pardonne toutes nos offenses, nous guérit de toute maladie, nous couronne d’amour et de tendresse, mais cela suppose de notre part de faire de notre vie une action de grâce : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! » (Psaume).

Père Bruno