Troisième dimanche de Carême
Année A 27 mars 2011
Les textes du jour
« Le
Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n'est-il pas ? » (1ère
lecture). C'est souvent la question que nous pouvons nous poser quand nous
voyons notre quotidien avec son lot de difficultés, parfois même de souffrance.
C'est la question que se pose le peuple d'Israël tandis que, sorti d'Égypte, il
marche maintenant dans le désert, où il connaît la faim et la soif. Il
récrimine contre Moïse et commence à désespérer de Dieu. Ce même sentiment qui parfois
peut nous habiter tandis que, confrontés à notre quotidien nous butons sur
l'absence apparente de Dieu. Où est-il ce Dieu ? Et nous avons le sentiment de
nous retrouver seuls face à une vie parfois pénible.
C'est l'expérience de cette femme de
Samarie. Chaque jour elle vient puiser à un puits hors de la ville.
Probablement parce qu’elle ne veut pas rencontrer quiconque, elle y va à
l’heure la plus chaude, à midi. Le texte
nous fait découvrir que sa vie est marquée par un amour blessé, une soif
d'aimer qui n'a jamais pu être satisfaite. Elle a eu plusieurs maris et
maintenant elle vit avec un homme qui n’est pas son mari. Sa vie doit lui
sembler terne, avec pour seul horizon celui des taches vitales comme celle de
puiser de l'eau. Et c'est alors qu'une rencontre inattendue va bouleverser sa
vie.
Ce jour-là, un homme est assis au bord du
puits. Qui plus est, cet homme est Juif ; c’est un étranger, un ennemi. Entre
Juifs et Samaritains reste profondément ancrée en mémoire l'hostilité de ces
deux peuples qui remonte à plusieurs siècles. C’est pourquoi les Juifs ne veulent rien avoir en commun
avec les Samaritains. Contre toute attente, cet homme lui adresse la parole,
enfreignant ainsi toutes les règles de l'époque. Cet homme a besoin de cette
femme : « Donne-moi à boire ».
Jésus nous rejoint toujours dans la banalité
de notre vie, au milieu de nos préoccupations et de nos soucis quotidiens. Il
prend l'initiative de venir jusqu'à nous. Pour celui qui accepte de se laisser
rencontrer par le Christ, celui-ci va le conduire peu à peu jusqu’au plus
intime de lui-même, jusqu’à son cœur. C’est le chemin qu’il propose à cette
femme, venue pour étancher sa soif d’eau, et exprimant progressivement sa soif
d’amour, d’un amour humain qu’elle n’a pas réussi à satisfaire, mais plus
profondément d’un amour divin, cherchant à savoir comment adorer Dieu. Ce
faisant, Jésus la fait advenir à la vérité avec elle-même : « Là, tu
dis vrai ». Jésus met en pleine lumière ce qui était caché au fond
d'elle-même.
A
aucun moment de cette rencontre, Jésus ne juge la vie de cette
femme. Le ton de
sa voix n’est pas celui d’une mise en accusation. Avec
délicatesse, il se présente
à elle comme celui qui peut donner une eau qui deviendra source
jaillissante
pour la vie éternelle. C’est ainsi que cette femme
retrouve une liberté
intérieure qui lui donne une nouvelle audace. Puisant à
cette source d’amour, elle
laisse là sa cruche. Elle est désormais
désaltérée et n’hésite pas à
retourner
chez elle pour témoigner au grand jour de sa rencontre. Celle
qui se cachait,
par honte d’elle-même, devient missionnaire !
En même temps que cette femme fait ce chemin
avec elle-même, accompagnée par Jésus, celui qui n’était au départ qu’un inconnu
se révèle peu à peu à elle. Reconnu d’abord comme Juif, elle confesse qu’il est
un prophète. Puis Jésus atteste qu’il est celui dont elle sait qu’il doit
venir : le Messie. Enfin, avec les Samaritains, elle croit qu’il est
vraiment le Sauveur du monde. Ainsi donc, cette rencontre est l’occasion d’une
double révélation, sur la femme et sur Jésus. « J’ai soif de
toi ! » semble-t-il se dire mutuellement : la femme a soif d’un
amour authentique qu’elle puise en Jésus « Dieu
tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme à soif de toi ! » (Psaume
63) ; Jésus a soif de la rencontre avec l’humanité, comme il l’exprimera
sur la croix « J’ai soif » (Jean 19, 28).
Ce troisième dimanche de Carême est
l’occasion pour nous de nous interroger sur notre soif profonde. Souvent nos
préoccupations, nos soucis, notre tiédeur, font que nous laissons tarir notre
source d'amour. Ou bien alors nous y répondons par des moyens qui nous laissent
insatisfaits. Jésus veut nous ramener à la source de notre vrai désir, celui d'une
vraie vie, d'un véritable amour. Il se présente à nous comme celui qui veut
abreuver notre soif d'amour.
Saint-Paul l'affirme avec force : « L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs
par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (2ème lecture). Discrètement,
Jésus vient s’asseoir sur la margelle du puits de notre amour, commençant par
nous demander à boire, c’est-à-dire désirant notre amour maladroit et fragile.
En nous laissant conduire par lui, par sa parole, il ouvrira notre cœur pour
que nous puissions laisser creuser en nous, en toute vérité, notre soif d’aimer
et d’être aimé. Toute notre vie s’en trouvera transformée, de l’intérieur.
« Si tu savais le don de Dieu… » Ouvrons-lui sans crainte la porte de
notre cœur. Et jaillira en nous la source de son amour, « source
jaillissante pour la vie éternelle ».
Père Bruno