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Premier dimanche de Carême - année C

17 février 2013

Les textes du jour (cliquez ici)

Par les lectures de chaque dimanche du Carême la liturgie nous conduit par un itinéraire pédagogique d’étape en étape, accompagnant et éclairant notre progression spirituelle dans la lumière pascale. Car la lumière de Pâques, la Résurrection du Christ est bien l’horizon de la traversée du désert durant 40 jours. Le Christ ressuscité est à la fois notre but et celui qui nous éclaire en chemin.

L’image du désert est parlante, car dans notre société, nous avançons de plus en plus  comme dans un désert : celui qui marche dans le désert n’a aucun repère pour se guider : même le soleil bouge ou alors il est à la verticale. Les changements de société auxquels nous sommes confrontés nous ôtent petit à petit tous nos repères : différence homme/femme, famille, etc…  Or ces repères sont nécessaires à la bonne marche de la société et à la construction de notre personnalité et celle de nos enfants. Comment allons-nous faire sans repère ? Nous ferons comme les hébreux dans le désert qui se laissaient guider par la colonne de nuée durant le jour et la colonne de feu durant la nuit : cette colonne pour nous c’est déjà la lumière de Pâques qui se profile au devant de nous. La traversée du désert conduit immanquablement à la joie de la Résurrection, à condition toutefois qu’on aille de l’avant.

Le désert cependant n’a pas que cette connotation négative de la perte des repères. Il a aussi une dimension positive car le désert est un lieu de rencontre privilégié avec le Seigneur, du fait justement de l’absence de tous les éléments de notre vie quotidienne qui nous distraient souvent de l’essentiel. Le dépouillement du désert nous contraint à tourner notre regard vers le ciel ou vers l’intérieur, lieu de la présence de Dieu. C’est la raison pour laquelle nous sommes invités à un certain dépouillement durant le temps du Carême, afin d’élargir notre espace intérieur et d’approfondir notre expérience de la rencontre avec Dieu.

Jésus lui-même nous ouvre le chemin en passant 40 jours au désert, non pas seul, mais dans l’intimité avec son Père, celui dont la voix vient de se faire entendre au moment du baptême de Jésus : « C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. »

Il est précisé dans le récit de Luc qu’au bout de 40 jours Jésus eu fin et qu’alors le démon vient à trois reprise le tenter. Sans entrer ici dans le détail des trois tentations, nous pouvons observer qu’avant d’être tenté, il est écrit que « pendant quarante jours, il fut mis à l'épreuve par le démon ». Cela nous fait prendre conscience d’une distinction entre l’épreuve (qui dure 40 jours) et tentation (qui intervient au bout de 40 jours). Cette distinction est précieuse pour notre vie spirituelle. D’ailleurs on le sait déjà quand on dit d’un côté qu’il faut « tenir bon » dans l’épreuve et « lutter contre » la tentation. La bonne attitude dans une épreuve consiste en effet à tenir bon et à attendre patiemment que ça finisse, en sachant que nous ne sommes pas tout seul car Dieu se révèle comme celui qui est « avec » nous dans nos épreuves : « Je suis avec lui dans son épreuve » (Ps 90, 15). L’épreuve est une traversée, elle a une fin. Dans la tentation, au contraire, il ne faut pas tenir bon, mais fuir. Pour illustrer cette différence d’attitude, remarquez que dans la prière du « Notre Père », on dit "Ne nous soumets pas à la tentation...", mais on ne dit pas "Ne nous soumets pas à l’épreuve..." On dirait plutôt « donne-nous la persévérance dans l’épreuve » car l’épreuve est bonne en soi, elle nous fait grandir.

Observons comment réagit Jésus face à la tentation du démon.  Il n’entre pas en discussion, mais se réfugie dans la Parole de Dieu. Nous devons savoir qu’il existe des lieux refuge : l’Écriture est un refuge. Notre cœur est aussi un refuge surtout quand les tentations vienne de notre sensibilité ou de l’imagination (ex. jalousie, susceptibilité, refus de communiquer, découragement…). Le démon ou notre propre penchant au mal peuvent facilement agiter notre imagination ou troubler notre affectivité, mais ils n’ont pas accès à notre cœur profond, lieu de notre intimité avec le Seigneur.

Sachons pour conclure que dans le combat spirituel nous ne combattons pas tout seul : « là-haut une armée combat pour moi » (Ps 55) ; et que nous ne combattons pas seulement pour notre propre compte : nous sommes une armée. Nos petites victoires servent à toute l’armée, de même que nos défaites pénalisent et affaiblissent l’ensemble. Il y a une dimension communautaire du combat spirituel. Ceux qui s’isolent dans les monastères (une vie au désert !), ne cherchent pas d’abord leur avancement spirituel : ils combattent pour nous ! Tous ceux ceux qui demeurent fidèles au Christ envers et contre tout, contribuent à la victoire de toute l’Église contre le mal et à la manifestation du Règne de Dieu.

P. Michel Lovey