Premier dimanche de Carême
Année A 13 mars 2011
Les textes du jour
L'introduction de cet Evangile a de quoi
nous nous étonner : « Jésus fut conduit
au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon ». C'est l'Esprit
lui-même qui conduit Jésus à la rencontre de Satan ! Non pas que Dieu le
Père veuille tester son Fils mais, tout Fils de Dieu qu’il est, Jésus doit
choisir sa manière de vivre sa filiation. Le mot « Satan » vient de l'hébreu est signifie « diviseur ». Le démon est le tentateur, le diviseur qui veut
brouiller la relation entre le Père et le Fils. Il s'y prend de façon rusée.
En effet Satan commence toujours par
s'adresser à Jésus en lui disant : « Si
tu es le Fils de Dieu… », sous-entendu, puisque tu es le Fils de Dieu, tu
peux faire ce que je te commande. Et Satan a raison ! Jésus est bien Fils de
Dieu mais pas comme Satan veut lui faire croire. Satan pousse Jésus à faire par
lui-même, à transformer les pierres en pains, à demander aux anges de le
porter, à régner sur tous les royaumes du monde, en ne comptant que sur ses
seules forces. Jésus réalisera tout cela, mais c’est quand son Père le voudra,
et selon la manière que son Père décidera. Jésus ne s’appuie pas sur lui mais
sur son Père.
Notons au passage que la seule référence à
l'Ecriture ne suffit pas puisque Satan connaît aussi bien que Jésus l'Ecriture
qu’il cite dans la deuxième tentation. Invariablement, Jésus renvoie à Dieu son
Père. Il nomme toujours son Père, ce que Satan est bien incapable de faire. Jésus
ne revendique pas par lui-même un quelconque pouvoir, il reçoit son autorité
dans son obéissance à son Père. Totalement ajusté à lui, sa volonté est
conforme à celle de son Père. C'est sans doute ce que signifie cette expression
de Matthieu : « Après avoir jeûné
quarante jours et quarante nuits, il eut faim ». Il n'est pas question de
la faim physique que Jésus a dû éprouver très vite mais de la faim de son Père.
Cette faim exprime qu'il s'en remet totalement à la bienveillance de son Père.
C'est ainsi qu'il déjoue les pièges du
tentateur et réalise pleinement sa mission de Fils. Ce qui permet à Paul
d'affirmer : « Tous deviendront justes
parce qu'un seul homme a obéi » (2ème lecture). L'obéissance du Fils
rétablit la relation des hommes avec le Père, cette relation que le péché a
rompue conduisant l'homme à la mort spirituelle. Mais ce total ajustement de
Jésus à son Père (l'accomplissement de la justice) conduit tous les hommes à une
relation ajustée (la justification) qui donne la vie. « L’accomplissement de la justice par un seul
a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie » (2ème
lecture).
Le récit des tentations ouvre notre marche
vers Pâques, nous interrogeant sur notre obéissance à Dieu le Père. Est-ce la relation
à Dieu qui guide notre vie ? Bien souvent nous préférons avancer dans la vie
par nos seules forces, sans nous appuyer sur la confiance que Dieu nous fait.
Il n'est pas rare alors que cela se traduise en nous par une volonté de
puissance – être prêt à tout pour y arriver : première tentation –, par une
volonté de séduction – faire en sorte que les autres confirment que nous
voulons : deuxième tentation –, par une volonté de domination – vouloir que
rien ne nous résiste : troisième tentation). C'est ce que veut faire croire le
serpent à Eve : « Vous serez comme des
dieux » (1ère lecture).
La première étape du carême consiste donc à
être attentif à la qualité de la relation que nous voulons vivre avec Dieu. Si
nous ne sommes pas ajustés à lui, nous ne pourrons pas vivre de sa vie, celle
qui se déploie dans la Résurrection de son Fils. Satan ne nous propose pas directement
la mort, mais il nous tente de vivre par nous-mêmes, ce qui conduit à la mort.
Or la vie se reçoit. Cela suppose que nous entrions dans une pauvreté
spirituelle – consentir à être ce que l'on est par un autre : réponse de Jésus
à la première tentation –, une fragilité acceptée – accepter d'être fragile
entre les mains de Dieu : réponse de Jésus la deuxième tentation –, une
humilité offerte – devenir serviteur en toute chose : réponse de Jésus à la
troisième tentation –.
Il va de soi qu'un tel chemin sera un lieu
de conversion permanente et que nous ne pourrons avancer dans cette direction
qu’unis au Christ pour être victorieux de toute forme de tentation. Pour
commencer le carême, chacun peut choisir sur quel aspect de sa vie il veut
faire porter son attention pour vivre pauvre, fragile ou humble, mais avec le
Christ. Il serait illusoire de vouloir appliquer directement à sa vie le récit
des tentations. C’est l’Esprit qui nous conduira au désert, comme Jésus. Cela
suppose que nous laissions creuser en nous la faim du Christ, seul pain vivant
et vrai, pour vivre davantage de toute parole qui sort de la bouche de Dieu
(cf. prière après la communion).
Père Bruno