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Dimanche des Rameaux                 1er avril  2012

Quel contraste étonnant quand nous entendons le récit de la passion de Jésus. D'un côté une agitation qui s'exprime de toute part par la foule, le chef des prêtres et le Grand conseil, Pilate et les soldats. Tous s'acharnent à vouloir faire accuser Jésus, avec sans doute le sentiment final d’y être parvenu, d'avoir réussi à faire taire une fois pour toutes celui qu'il considère comme imposteur. Il est loin le temps où « ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : "Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux !" » (évangile de l’entrée messianique à Jérusalem)

De l'autre côté, Jésus, qui passe de mains en mains dans un silence qui ne peut mettre mal à l'aise. Entre son arrestation et sa mort, trois paroles seulement. A vue humaine, quelle piètre défense pour celui qui a la mission de sauver le monde. Lui qui a passé son temps à proclamer la Bonne Nouvelle sur les routes de Galilée et dans le Temple de Jérusalem se montre particulièrement silencieux. Il aurait pu demander à Bartimée, à Lazare, à tel lépreux ou paralytique guéri de venir témoigner en sa faveur.

Mais non ! Aucun souci de vouloir s’expliquer ou de chercher à se justifier. Seulement trois paroles : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel », répond-il au grand prêtre qui l’interroge sur son identité de Messie ; « C'est toi qui le dis », donne-t-il comme réponse à Pilate qui lui demande s’il est le Roi des Juifs. Et ce cri de confiance en son Père tandis qu’il prie le Psaume 21 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Ce sont les premiers mots d’un long psaume qui se termine par une louange et non par un sentiment d'abandon : « Mais tu m'as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée. Vous qui craignez, louez le Seigneur » (psaume).

Ce silence de Jésus est celui de l'amour qui s'offre. Pour dire son amour gratuit pour tous les hommes, Jésus n'a que son silence qui exprime, au cœur même de sa vulnérabilité, la force d'un amour que rien n'arrête, pas même le déchaînement de haine contre lui. A à vue humaine, Jésus aurait pu se demander le sens de sa mission qui s'achève sur la croix. Tout semble signer l’échec : Pierre l’a renié, Judas l’a trahi, les disciples sont partis, les soldats tournent en dérision sa mission : « Sauve-toi toi-même… Il ne peut pas se sauver lui-même ».

Dans une hymne fort belle, Paul décrit l'abaissement de Jésus par amour des hommes : « Il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir sur une croix » (2ème lecture). Cette croix nous dit jusqu'où Dieu est capable d'aller pour nous dire son amour et son espérance de nous voir répondre à son amour. Au terme de cette longue passion, c’est un soldat romain, un homme qui ne connaît rien au Dieu d’Israël mais qui a suivi Jésus depuis son arrestation, qui s’écrie : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu. » Contempler la passion nous ouvre à la foi, non pas une foi intellectuelle mais celle qui naît d’un compagnonnage avec Jésus jusqu’à sa mort sur la croix.

Tandis que nous entrons dans cette grande semaine sainte, osons contempler le silence de Jésus. Suivons-le pas à pas dans son abaissement pour nous rejoindre et accueillir nos refus d'amour. C'est toujours ainsi que Dieu s'y prend : patiemment il frappe à la porte de notre cœur. Subissant nos refus de lui ouvrir, notre volonté de ne pas nous laisser aimer et d’aimer en réponse – ce qu'on appelle le péché – il est là, silencieux, dans le creuset de notre vie. Il se laisse déposer dans le roc de notre cœur, dans notre cœur de pierre, sans rien exiger de nous.

Mais nous croyons que son amour livré entre nos mains est plus fort que nos refus d'aimer. Sa patience viendra à bout de notre enfermement et transformera notre cœur de pierre en cœur de chair. Comme l’exprime la bénédiction finale de la messe des Rameaux : Dieu le père nous a donné dans la passion de son Fils la plus belle preuve de son amour ; il nous a donné de vivre en Jésus qui a subi la mort pour nous sauver d'une mort éternelle. Et elle se termine par cette espérance : « Puissiez-vous entrer avec lui dans sa gloire de ressuscité. »

Cette semaine est l'occasion de demander à Dieu la grâce d'ouvrir notre cœur à la gloire du ressuscité. Ce Jésus que nous crucifions par notre péché, « Dieu l'a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : "Jésus-Christ est le Seigneur", pour la gloire de Dieu le Père » (2ème lecture).

Père Bruno