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Messe de la Nativité  - année B

24 décembre 2014

Les textes du jour (cliquez ici)

La voici la nuit de Dieu, avons-nous chanté tout à l’heure, et c’est dans cette nuit qu’une lumière a resplendi et qu’elle resplendit encore. Mais de quelle lumière le prophète Isaïe parle-t-il ? Dieu semble tellement absent de nos soucis quotidiens et des nuits de ce monde. Sans faire la liste de tout ce qui est sombre aujourd’hui, il ne manque pas de lieux d’inquiétude, tant à l’échelle du monde – les menaces sur la paix, les fanatismes et les persécutions d’innocents, l’insécurité économique… – qu’à l’échelle de nos réalités quotidiennes – la souffrance, la précarité, le chômage… –

Où est Dieu et surtout que fait-il ? Bien sûr, il y a cette nuit de Noël avec sa dimension quelque peu magique et merveilleuse. Chacun de nous est bien ici, et plusieurs d’entre nous vivront un temps festif ce soir ou demain. Mais que restera-t-il de tout cela dans quelques jours ? Et pourtant, nous dit Isaïe, dans la nuit une lumière a resplendi. Mais quelle lumière ? Celle d’un nouveau-né dont les anges ont annoncé à des bergers qu’il était le Sauveur ? Quel signe dérisoire, face à tant de nuits dans notre monde actuel !

Comme Dieu est étrange cette nuit ! Si nous avons l’impression que Dieu est absent de notre monde, c’est sans doute qu’il est là où nous ne l’attendons pas. Tandis qu’à Rome, César se fait Dieu ; à Bethléem, Dieu se fait homme. Tandis qu’à Rome l’empereur veut compter tout le monde, à Bethléem, Dieu nous dit que tout le monde compte à ses yeux. Oui, cette nuit une lumière a resplendi, mais d’une façon déroutante.

Cette lumière a resplendi dans la fragilité d’un enfant car Dieu a fait le choix de se proportionner à l’homme, non pas l’homme qui veut être le plus fort et le plus grand, au risque d’écraser les autres, mais l’enfant qui est le plus fragile, le plus petit, qui dépend de tout le monde. Pour reconnaître la lumière qui resplendit cette nuit, il faut inverser l’échelle de nos valeurs. On comprend qu’il n’y ait plus de place dans la salle commune pour celle qui allait enfanter Dieu fait homme, comme il n’y  a plus de place dans notre vie pour la vulnérabilité.

La lumière qui resplendit cette nuit se révèle à travers un nouveau-né. N’avez-vous jamais remarqué ce qui se passe autour d’un bébé ? Bien souvent l’entourage recherche et fait tout pour voir son sourire. La lumière de cette nuit est comme le sourire d’un bébé, elle est le sourire dont chacun est porteur mais que trop souvent nous laissons enfoui, prisonnier de nos préoccupations et de l’image que nous cherchons à obtenir de nous-même vis-à-vis des autres.

En choisissant d’illuminer notre nuit en se manifestant à nous par cet enfant nouveau-né, Dieu nous révèle que c’est en chacun de nous que luit une lumière.  Etre attentif à la lumière qui resplendit cette nuit suppose d’être attentif à la beauté du cœur de chacun. Comment se fait-il que nous passions souvent plus de temps à parler mal des autres qu’à essayer de chercher ce qu’il y a de beau et de bon en eux. En se faisant l’un d’entre nous, Dieu vient illuminer la grandeur de chacun. C’est un peu comme si il nous disait : « N’étouffe pas la lumière qu’il y a en toi. Ne passe pas à côté de la lumière qu’il y a en l’autre ».

Imaginons un temps pris en famille où chacun à tour de rôle, parents et enfants, exprime le positif qu’il voit en chacun des siens. Nous avons prévu d’offrir des cadeaux à ceux qui nous sont chers, mais prenons le temps de nous faire ce cadeau entre nous : nous révéler la beauté intérieure que nous percevons en l’autre. Et vous verrez cette lumière qui resplendit dans cette nuit.

Non seulement cette nuit Dieu se fait enfant, mais il choisit des bergers, des moins que rien à l’époque pour témoigner de cette bonne nouvelle. Voilà qui est encore étrange. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas choisi les grands de l’époque, ceux qui avaient le pouvoir, ceux qui savaient parler ? On comprend qu’il n’y ait plus de place dans la salle commune pour celle qui allait enfanter Dieu fait comme, comme il n’y a plus de place pour rejoindre les pauvres  et les plus faibles dans notre vie, pour prendre le temps d’écouter leur cri.

En se révélant à des bergers, Dieu nous confie d’être ceux qui rayonneront la lumière de cette nuit. Comment ne pas vouloir le bien et la dignité de chacun ? Que faisons-nous pour rendre plus lumineuse la vie des plus fragiles, des plus précaires qui nous entourent. Pouvons-nous rester sourds à l’appel de ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose et indifférents à ceux qui souffrent ? Et pas seulement faire pour eux, mais avec eux ; prendre le temps de les rejoindre pour que notre cœur se laisse toucher par leur présence. Et si c’était leur présence qui venait éclairer la nuit de nos égoïsmes.

Nous avons bien conscience que la tentation qui nous guette est celle du repli sur soi, surtout lorsque les temps sont plus difficile. Combien de revendications aujourd’hui sont centrées sur ceux qui les crient sans prendre le temps de considérer le bien de tous. Etre attentif à cette lumière qui resplendit dans cette nuit, c’est décider d’être lumière les uns pour les autres. Nous pouvons avoir le sentiment d’être heureux en ignorant Dieu, mais pouvons-nous être heureux en ignorant les pauvres ? En venant illuminer notre nuit, Dieu commence par illuminer notre regard pour que notre cœur ne reste pas insensible à la détresse de tant d’hommes et de femmes.

Imaginons un temps pris en famille pour décider ensemble de se rendre proche d’une personne seule, malade, pauvre, qui vit à côté de chez soi. Nous allons prendre du temps pour nous offrir des cadeaux, mais quel cadeau allons-nous offrir à celui qui ne compte pas pour grand-chose dans notre société, à celui qui vit dans la solitude ou la précarité. Il n’est peut-être pas possible pour nous de lui offrir quelque chose, mais simplement une qualité d’attention et de présence. Et vous verrez cette lumière qui resplendit dans cette nuit.

La plus belle lumière de cette nuit, n’est-elle pas Dieu lui-même. Dieu n’a qu’un seul désir, c’est que nous nous approchions de lui. Malgré toutes nos résistances ou nos incrédulités, osons cette nuit nous laisser toucher par la présence de Dieu. On comprend qu’il n’y ait plus de place dans la salle commune pour celle qui allait enfanter Dieu fait homme, comme il n’y a plus de place pour Dieu dans nos vies bien remplies. Aussi, essayons ce soir de faire un peu de place à Dieu dans notre vie. Si nous prenions le temps de l’inviter chez nous !

Cette nuit, Dieu vient nous visiter mais peut-être vous demandez-vous ce que peut apporter cette visite de Dieu dans notre vie ? Les anges disent de cet enfant qu’il est le Sauveur. En devenant l’un de nous, Dieu vient nous sauver de nos enfermements et le plus grand de nos enfermements est celui de nos refus d’aimer. Tous nous faisons l’expérience d’être maladroit à aimer, déjà ce qui nous sont les plus chers, et plus encore ceux qui ne veulent pas nous aimer ou nous font du mal. Cette nuit, Dieu vient illuminer notre cœur.

Dieu ne s’imposera jamais à nous et ne forcera pas la porte de notre cœur. Dieu n’a rien d’autre à nous offrir cette nuit que ce qu’il est lui-même. Et Dieu n’est qu’amour ! Il s’offre à nous à travers cet enfant qui sera donné aux autres toute sa vie et donnera lui-même sa vie pour eux. Il n’est de vie pleine et féconde que dans le don de soi. Ce qui rendra lumineuse notre vie, ce ne sont pas les grands exploits que nous réaliserons, mais la joie de se donner. Se mettre à l’école du Christ, c’est apprendre de lui, patiemment, à faire de notre vie une vie donnée aux autres, gratuitement et sans condition.

Imaginons un temps pris en famille où chacun s’approche de la crèche pour contempler Dieu fait homme et décider ensemble comment se donner davantage aux autres. Nous allons prendre du temps pour nous offrir des cadeaux, mais notre plus cadeau c’est d’accueillir Dieu dans notre vie pour apprendre de lui l’offrande de nous-même. Quelle joie de se donner sans compter ! Et vous verrez cette lumière qui resplendit dans cette nuit.

Oui, cette nuit Dieu vient illuminer notre vie et nous confie d’illuminer celle des autres. Il dépend de nous d’entrer dans ce projet. Il dépend de nous de nous approcher de la crèche pour laisser Dieu transformer notre cœur.

Père Bruno