Homélie du dimanche des Rameaux 2020

Dimanche de Rameaux-A Matthieu 26, 14 – 27, 66 – NE DESCENDS PAS DE LA CROIX

Les quatre évangélistes s’accordent sur l’essentiel de la narration de la Passion du Seigneur ; mais chacun d’entre eux a remarqué certains détails qui ne sont pas racontés par les autres, mettant ainsi sa propre vision de l’évènement.

Dans tous les évangiles, le silence de Jésus est frappant ; Il parle très peu et sont les autres qui disent et font. Jésus reste silencieux. Comme commenter l’ensemble du texte de la Passion serait très long, je proposerai ma réflexion uniquement sur quelques épisodes de la version de l’évangéliste Saint Matthieu.

Matthieu est le seul à nous dire le prix exact que les Grands Prêtres ont payé à Judas en échange de sa trahison : trente pièces d’argent. Ce détail est très important car c’était le prix fixé par la loi pour l’achat d’un esclave. Ce prix montre le « mépris » des Grands Prêtres, et de Judas lui-même, envers Jésus, envers le Seigneur de l’Univers. Cet argent sera utilisé pour acheter le champ du Potier. Ce « potier » est aussi Dieu, qui a façonné l’homme à partir de l’argile. À cause de cet achat, les étrangers qui meurent à Jérusalem avaient droit à un tombeau où ils pouvaient être enterrés.

Le prix de Jésus nous fait réfléchir aujourd’hui sur le prix ou l’appréciation que nous ressentons pour lui. Quelle valeur accordons-nous à Jésus dans notre vie ?

Selon Matthieu, ceux qui passaient devant Jésus crucifié se moquaient de lui et, riant de sa souffrance, lui faisaient deux suggestions sarcastiques : si tu es Fils de Dieu, « sauve-toi toi-même » et « descends de la croix ».

C’est exactement notre réaction face à la souffrance : nous sauver nous-mêmes, ne penser qu’à notre bien-être et, par conséquent, éviter la croix, passer notre vie à éviter tout ce qui peut nous faire souffrir. Dieu est-t-il aussi comme nous ? Quelqu’un qui pense seulement à lui-même et à son bonheur ?

Jésus ne répond pas à la provocation de ceux qui se moquent de lui. Il ne dit pas un mot. Ce n’est pas le moment de donner des explications. Sa réponse est le silence. Un silence qui est respect pour ceux qui le méprisent et, surtout, compassion et amour.

Jésus ne rompt son silence que pour s’adresser à Dieu avec un cri déchirant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » ? Il ne lui demande pas de le sauver en le descendant de la croix. Seulement, de ne pas se cacher ni de l’abandonner en ce moment de mort et de souffrance extrême. Mais Dieu, son Père, reste en silence.

Ce n’est qu’en écoutant les profondeurs de ce silence de Dieu que nous découvrirons quelque chose de son mystère. Dieu n’est pas un être puissant et triomphant, calme et heureux, étranger à la souffrance humaine, mais un Dieu silencieux, impuissant et humilié, qui souffre avec nous de la douleur, de l’obscurité et même de la mort.

Au moment de la mort de Jésus, les trois premiers évangiles racontent que le voile du temple était déchiré en deux de haut en bas, mais Matthieu est le seul à ajouter que la terre tremblait, les rochers étaient déchirés, les tombeaux s‘ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent ; et après que Jésus est ressuscité, ils entrèrent dans la Ville Sainte et se montrèrent à un grand nombre de gens.

C’est une façon de nous dire que la mort de Jésus bouleverse l’histoire, le présent et l’avenir de l’humanité. Sa mort conduit à une résurrection qui restaure toutes choses. Ainsi, quand nous contemplons le Crucifié, notre réaction ne peut pas être une réaction de moquerie ou de mépris, mais une réaction de confiance et de prière reconnaissante : « Ne descends pas de la croix. Ne nous laisse pas seuls dans notre affliction ». À quoi servirait un Dieu qui ignore nos souffrances ? Qui pourrait nous comprendre ?

En qui pourraient-ils mettre leur espoir les torturés de tant de prisons sécrètes ? Où tant de femmes humiliées et violentées sans aucune défense, pourraient-elles mettre leur espoir ?  À quoi pourraient-ils s’accrocher les malades chroniques et les mourants ? Qui pourrait consoler les victimes de tant de guerres, de terrorismes, de famines et de misères ? Non. Ne descends pas de la croix, car si nous ne te sentons pas « crucifié » auprès de nous, nous nous sentirons encore plus « perdus ».

Jésus a travaillé comme un homme pour nous montrer le chemin que nous devons nous aussi suivre : seul le chemin de l’humiliation et de l’obéissance mène à la résurrection. L’obéissance est l’attitude de dialogue parfait avec Dieu ; l’obéissance commence par l’écoute de la parole de Dieu, une parole qui n’est rien d’autre que de l’amour, et qui peut donc être entendue sans crainte.

Que la Vierge Marie, qui a accompagné Jésus à la croix, nous guide tout au long de ces jours saints afin que nous puissions vivre plus pleinement la Pâque de son Fils.

Père Javier