Homélie dimanche 4 décembre

      Mes amis, en ce second dimanche de l’Avent, Isaïe voit venir un libérateur, de la maison de David. « Il ne jugera pas selon les apparences. Il tranchera avec droiture en faveur des pauvres du peuple. » Et, sous son règne, le monde connaîtra enfin la paix. « Le loup habitera avec l’agneau. » Magnifique, quelle Promesse !

      Et St Paul lui nous dit que tout cela a été écrit pour nous « afin que nous possédions l’espérance grâce à la persévérance, et au courage que donne l’Ecriture. » Magnifique aussi, en ce temps de crise, que d’accueillir l’Ecriture comme réserve d’énergies nouvelles !

     Et Jean-Baptiste qui confirme la Promesse : Oui, « Il vient le libérateur. Mais, il faut préparer le chemin de sa venue. »

     Et bien pour ce deuxième dimanche de l’Avent, nous allons garder si vous le voulez bien ce mot : Préparer.

     Oui, après avoir été invité à « veiller » dimanche, Jean-Baptiste aujourd’hui nous fait signe que le temps de l’Avent est ce temps béni qui nous est offert afin de préparer le chemin du Seigneur, d’aplanir sa route, d’enlever les obstacles à sa venue en nos vies.

      Préparer le chemin, mais vous allez me dire : quel chemin ?

      Commençons par le plus évident. Le chemin qu’il faut préparer, il passe d’abord par notre propre cœur. « Convertissez-vous » dit Jean-Baptiste. Se convertir, c’est se retourner vers Dieu et vers les autres. Reprendre le chemin ou bien changer de chemin, si l’on s’est égaré. Chacun sait bien ce à quoi cela lui fait penser dans sa vie. Se convertir, vous le savez, c’est sérieux On est loin du gentil et innocent folklore de Noël. On est loin aussi de la fête infantile, une fête pour les enfants seulement, les petits enfants, le petit Jésus, la spiritualité mièvre et sans vigueur.

       Se convertir, c’est beaucoup plus sérieux. C’est se décider à redonner à sa relation avec Dieu et avec les autres plus de force et de chaleur, enlever les obstacles à sa venue dans notre vie.

       Ne nous rassurons pas trop vite. Certains se disent peut-être intérieurement : « Vous ne nous apprenez rien. Nous sommes de fidèles pratiquants depuis toujours. » Vous savez, Jean-Baptiste s’adressait aussi à d’honnêtes pratiquants, des Pharisiens et des Sadducéens, et pourtant, il les mettait sérieusement en garde. Vous l’avez entendu : « N’allez pas dire en vous-mêmes, nous avons Abraham pour père. Car, je vous le dis, avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. »

        N’allons pas dire en nous-mêmes, notre pratique religieuse est bien enracinée, car si elle ne germe pas, elle ne porte pas de fruit ! Notre conversion doit porter du fruit. Ceux qui accueillent le Christ sont voués à changer de vie et à changer le monde.

         Voilà, c’était le chemin qui passe part notre cœur. Elargissons maintenant notre regard. Préparer le chemin du Seigneur, c’est peut-être aussi inventer des chemins nouveaux pour l’annonce de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui. Y a-t-il des chemins nouveaux que notre Eglise devrait emprunter aujourd’hui, pour préparer la venue du Seigneur ?  Les évêques de France et beaucoup de chrétiens y ont réfléchi. Souvenez-vous, déjà en 2004, ils publiaient un document : «  Proposer la foi à la société d’aujourd’hui. » Permettez-moi d’emprunter à ce document qui est toujours d’une brûlante actualité et à des écrits chrétiens éclairés, pour vous suggérer pour cet Avent deux chemins.

          Le premier chemin. Il ne suffit pas que l’Eglise d’aujourd’hui se contente d’un renouveau piétiste, d’un spirituel planant. Il faut trouver l’équilibre entre la nécessaire recherche spirituelle et la nécessité pour les chrétiens de s’engager dans le monde. Prière et action, et comme l’exprime ce penseur d’aujourd’hui : « Intériorité et engagement, lutte et contemplation, voilà mon credo au XXI° siècle. »

         Le Royaume n’est pas la définition de l’au-delà, dit cet évêque, c’est la situation de ce monde-ci, quand nous l’aurons rendu autre. Donc, l’engagement n’est pas facultatif. Le Salut annoncé par le Christ n’est pas uniquement par rapport au péché et à la mort. Il est aussi libération de toutes les injustices, de toutes les aliénations qui interdisent à des milliers et des milliers d’hommes et de femmes de vivre une humanité digne de ce nom. C’est cela aplanir la route, combler les ravins… c’est travailler avec le Seigneur à libérer tout ce qui retient déjà dans la mort les hommes et les femmes de notre temps. Vaste chantier à la mesure de la démesure de Dieu, car Dieu voit toujours grand et loin pour l’homme !

          Le deuxième chemin. Il faut une Eglise en conversation avec le monde. Il ne faut pas être en face du monde mais dans le monde et partager les richesses qu’il porte. Dans une conversation, si on est deux, les deux donnent et reçoivent, écoutent et disent. Il faut écouter le monde et dire le message, écouter avant de dire, pour savoir comment dire. Trouver un langage. Trouver les mots de la foi qui résonneront dans le cœur de nos contemporains comme une Bonne Nouvelle, une heureuse nouvelle, une joyeuse nouvelle, celle de la Proximité de Dieu aux hommes et aux femmes de notre temps.

           Oui, une Eglise en conversation avec la culture des jeunes, déroutante ou pas. Une Eglise en conversation avec ceux qui ne croient pas comme nous, les autres religions. Savoir trouver où les autres cachent leur trésor spirituel. Une Eglise en conversation avec ceux qui n’arrivent pas à croire. Ils nous aident parfois à trouver les mots pour dire l’Evangile et nous dictent sûrement la manière de le dire.

        Il est temps de conclure. Avons-nous mieux compris les paroles de Jean-Baptiste : «  Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez la route, convertissez-vous. » La conversion, d’abord, car nous ne transmettons pas notre foi comme on transmet un livre, un bagage de connaissances, des mots. Nous transmettons ce que nous vivons.

       Je ne sais pas qui a prononcé ces trois phrases, retenez-les. Elles nous servirent de conclusion :

«  Tu dois témoigner de ta foi au Christ, tous les jours. Au besoin, sers-toi de mots. Ne parle du Christ qu’à ceux qui t’interrogent, mais vis de telle façon qu’on t’interroge ! »

       Allez, voilà pourquoi ce dimanche le Seigneur nous envoie Jean-Baptiste, c’est pour nous convertir, pour nous baptiser dans l’Esprit Saint et dans le feu, le feu de son amour. Oui, le Royaume est tout proche, le Seigneur vient, que notre unique souci soit donc de préparer son chemin en nous et autour de nous. Bon Avent encore à tous !

P. Patrick Rollin