Homélie de la Toussaint

Aujourd’hui l’Eglise est « heureuse » et fière de célébrer tous ces enfants de Dieu qui ont vécu de leur mieux le grand message des Béatitudes, en mettant leurs pas dans ceux de Jésus, tous ces pauvres de cœur qui ont été les premiers à bénéficier de ces promesses de bonheur.

Une foule immense que nul ne pouvait dénombrer nous dit Saint Jean, une foule de toute nation, races et peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main, et ils proclamaient d’une voix forte « le salut est donné par notre Dieu qui siège sur le trône et par l’Agneau ».

« Le salut est donné », c’est gratuit.

C’est un court extrait de la première lecture de la vision de l’Apôtre Saint Jean qui est décrit dans le livre de l’Apocalypse, Apocalypse veut dire « révélation des temps à venir ». Une révélation pleine d’espoirs et de joies, Dieu a levé le voile en accordant cette vision à son prophète, ce livre, qui est le dernier de la Bible, comporte un épilogue final, qui  invite à ne rien retrancher des paroles de ce livre prophétique, fait un peu frémir.

Ce livre a été écrit à plusieurs moments, à des époques de graves persécutions de chrétiens et l’Apôtre voulait « réconforter » ses frères qui se posaient la question angoissante : « Jésus-Christ a-t-il réellement vaincu le mal ? »… Le genre littéraire de ce livre comporte un système de camouflage qui le rend difficile à lire et qui a favorisé les interprétations fantaisistes de sectes religieuses.

Mais il ne hôte rien à l’actualité du message de l’Apocalypse : « courage », message dont nous avons besoin, à un moment où les persécutions de toutes sortes, continuent.

Les saints et les saintes, sont des hommes et des femmes comme nous, qui ont cru que l’Amour de Dieu était plus fort que tout, malgré des apparences contraires…

Ils étaient en butte aux mêmes difficultés que les nôtres, aux mêmes doutes, aux mêmes faiblesses. Mais pour nous, qui sont-ils réellement ? Sont-ils des originaux d’une autre race que la nôtre ?  un peu inaccessibles ? même si on les prie de temps à autre ?

Sur tout cela, l’Apôtre Jean, en envoyant le souffle de sa grande vision, veut encore aujourd’hui, nous amener du réconfort et renforcer notre espérance.

Ceux et celles que nous célébrons aujourd’hui, sont avant tout des enfants de Dieu, comme nous, et dans ce grand rassemblement, nous pouvons deviner des visages aimés, ceux de nos parents, de nos amis dont la foi et l’amour nous ont portés, et nous portent encore… L’Eglise ne nous présente pas les saints, les saintes, comme des précieuses archives, elle nous les propose comme des compagnons, des compagnes pour nos routes humaines… toujours très soucieux, soucieuses de notre avenir en Dieu.

Et ils sont nombreux, ceux et celles que même, notre institution catholique ne connaît pas, nombreux ces bienheureux et bienheureuses qui n’ont jamais fait parler d’eux, mais qui ont aimé de leur mieux autant leurs frères que Dieu. Ils n’ont jamais eu d’extases, mais ils ont usé leurs mains à pétrir leurs pains et beaucoup sont présents au fond de nos cœurs . Ils sont désormais dans le cœur de Dieu, dans une immensité d’amour que nous ne pouvons imaginer.

Les liens d’amour, avec eux, ne sont pas rompus, nous sommes bien là  au cœur de notre foi et de notre espérance.

Et je sais combien ces paroles sont inaudibles sans la foi.

« Le salut est donné » et gratuitement ce que nous avons à faire ? c’est d’aimer, d’aimer, comme des pauvres de cœur, autant nos frères que notre Dieu.

La première des Béatitudes est bien « heureux les pauvres de cœur » car ils sont les préférés de Dieu, les pauvres, les petits, pour lesquels Jésus, au tout début de son ministère, rend grâce à son Père  de leur avoir révélé les mystères du royaume et de l’avoir caché aux sages et aux savants. Les préférences de Dieu n’ont pas changé.

Tenons bon dans la foi, même quand il y a de l’obscurité, même quand il y a des doutes. Je pense à celle qui fut une remarquable et magnifique témoin de la tendresse de Dieu pour ces tout-petits mal aimés.

Je pense à Mère Teresa qui a confié un jour à son conseiller spirituel : « Jésus m’a donné une très grande grâce, la plus profonde conviction de mon total néant ».

Quelqu’un qui éclaire, à mon avis, les paroles de Mère Teresa, c’est le Père Eloi Leclerc dans son livre « La sagesse d’un pauvre ». Il connut un camp de concentration et fut libéré in-extremis par les troupes américaines. Il restera très marqué par ces années de douleurs. Néanmoins, il fut un écrivain remarquable. Et dans ce livre « La sagesse d’un pauvre » il raconte un dialogue entre Saint François et le Frère Eloi. Ce dernier se plaint de ne pas évoluer dans le domaine des vertus et François lui dit : « La sainteté n’est pas un accomplissement de soi, ni une plénitude qu’on se donne… elle est d’abord un vide que l’on découvre et que l’on accepte, et que Dieu va remplir de sa plénitude à la mesure que l’on s’ouvre à sa plénitude… »

Mère Teresa s’est sans doute vidée d’elle-même pour que Dieu la remplisse d’un amour de surabondance. Ses paroles sont incroyables quand on regarde tout ce beau travail accompli et qui continue.

Malgré l’absence de consolations sensibles avec cette impression d’absence de Dieu, elle a duré, tout au long de son engagement religieux, sans jamais se révolter.

Certes, nous ne sommes pas des mères Teresa, mais ce témoignage peut nous aider, quand nous vivons nous-mêmes avec ces impressions d’absence de Dieu.

On peut la prier, puisqu’elle a dit, que quand elle serait au ciel, elle allumerait les lumières de ceux qui sont dans les ténèbres.

Croyons vraiment que la sainteté n’est pas l’apanage exclusif d’êtres extraordinaires. Nous sommes « tous » appelés à la sainteté, dans les situations ordinaires qui sont les autres. C’est bien à nous qu’il revient d’écrire l’histoire de la sainteté, malgré nos faiblesses, nos petitesses, mais dans une fidélité renouvelée et pour cela nous avons un merveilleux guide de bonheur, le message des Béatitudes que Jésus a vécu en plénitude, déjà à Nazareth, seul Jésus l’a vécue dans la perfection, nous, on en vivra une, ou deux ou plus, en essayant de commencer par la première, « Heureux les pauvres de cœur » en mettant nos pas, humblement dans ceux du Christ, Lui qui était de condition divine, n’a pas retenu les titres de gloire qu’Il avait auprès de son Père.

Il s’est fait serviteur de son Père et de ses frères jusqu’au bout. Le vrai bonheur « est » dans le « service ».

Voilà Celui que nos amis du ciel ont contemplé et suivi et qui ont cru que l’Amour de Dieu est plus fort que tout.

Ils prient pur nous pour que notre foi se fortifie, pour que nous grandissions sans cesse dans l’espérance.

C’est eux que nous sommes heureux de célébrer aujourd’hui et qui sont en prière avec nous.

Jean-Michel Sagot