Homélie dimanche 28 août

22° dimanche année : (Luc 14, 1-14)

    « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi, te rendraient l’invitation et la politesse te serait rendue. »

     Et bien dites-moi, quel conseil ! Ainsi Jésus nous invite à nous écrier : 
« Quelle chance j’ai enfin trouvé de gens qui ne paieront pas en retour ! 
Quel bonheur, j’ai découvert des gens qui n’ont rien à me rendre ! »
Bon vous avouerez avec moi que cet éloge de la gratuité ne va pas de soi, nous qui aimons tant être payé en retour. La gratuité ce n’est tout de même pas notre réflexe premier !

     Et pourtant Jésus insiste « Heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour ! » Bon, il faut reconnaître que de ce bonheur-là, de cette chance-là, Dieu en est lui-même abondamment pourvu ! 
Lui qui donne sans compter à chacun la vie, la nourriture et toute la création, et qui en est rarement payé en retour !
Aveugles et boiteux, pauvres et estropiés, nous profitons des dons de Dieu sans vergogne et sans nous soucier, la plupart du temps de lui dire notre reconnaissance, notre gratitude, notre merci !

     Bref, s’il y a un premier enseignement à retenir de l’Évangile de ce dimanche c’est bien celui-ci : Au moins avec les hommes on peut dire que notre Dieu est bien servi ! Oui, Il 
 a découvert des gens qui n’ont rien à lui rendre et qui ne le paient pas souvent en retour ! 
Et notre Dieu – qui pourrait quand même finir par perdre patience et retirer ses bienfaits – continue à donner en pure perte l’existence, la nourriture, toute la création, et sa propre vie en nous donnant son Fils pour délivrer le monde de son indifférence.

    Bon, c’est dire combien notre Dieu n’a pas de chance avec les enfants des hommes, mais combien eux, nous nous avons de la chance d’avoir un Dieu comme Lui !

Oui, Dieu n’a pas de chance d’être méprisé, rejeté, caricaturé comme Il l’est ! 
Il n’a pas de chance Lui dont l’Amour est ignoré !

   En effet, Dieu ne calcule pas !

 « Inviter des boiteux, des aveugles et des estropiés »  sans rien attendre en retour c’est aimer comme Dieu seul sait le faire.
Donner sans jamais attendre le moindre signe de reconnaissance parce qu’on se réjouit simplement d’avoir pu apaiser la faim et la soif de quelques-uns, c’est vivre dans l’Esprit de Dieu.

En revanche, c’est vivre un esprit de calcul que de donner pour recevoir en retour, d’entretenir des relations pour en obtenir davantage, de nouer des amitiés avec ceux qui peuvent nous servir.
Dieu, Lui, ne calcule pas. Il dépense sans compter. 
Il se dépense. 
Il dépense sa vie en pure perte, en pure grâce.

   Oui, quel bonheur, d’avoir un Dieu comme Lui !
Et avec ces paraboles de ce dimanche Jésus nous laisse entendre que Dieu ne veut pas nous laisser dans l’ignorance de cet Amour qu’Il nous porte et,
pour nous le faire découvrir, Il nous offre la chance de nous mettre à sa place : « à la dernière place », là où on est rarement payé en retour par les hommes, là où l’Amour est libre et gratuit, là où l’appétit des honneurs du monde fait place à la table ouverte à tous et non pas seulement aux convives acceptables qui pourraient un jour nous rendre la pareille.

   « Apprends à vivre comme Dieu » dit Jésus à celui qui l’invite à dîner.
L’amour ne calcule pas, l’amour ne cherche pas son intérêt. N’attends ni de Dieu, ni des hommes qu’ils te rendent en fonction de ce que tu leur donnes.
Mais aime Dieu gratuitement sans rien attendre d’autre que d’aimer toujours de plus en plus.
Et aime les hommes pour eux-mêmes sans attendre qu’ils te remercient de tes largesses ! En vérité, nous dit Jésus, prends la dernière place et reconnais que les hommes n’ont rien à te rendre puisque tu ne possèdes rien de bon que tu n’aies toi-même reçu de Dieu gratuitement.»

   « Quand tu es invité à des noces, dit Jésus aux invités qui choisissaient les premières places, ne va pas te mettre à la première place, car on peut avoir invité quelqu’un de plus important que toi ».
En un mot, fais passer les autres avant toi et tu t’en trouveras bien. Estime qu’ils sont plus dignes que toi, plus importants et tu ne courras plus le risque d’être grotesque.»

    Et bien dites-moi, quelle conversion, car soigner son look, jouer des coudes pour se placer, se faire remarquer, être vu, voilà un sport des temps modernes que nous connaissons bien. Mais nous sommes grotesques, aux yeux de Dieu, avec nos petites vantardises et nos préséances, nos jalousies et nos rivalités. Mais heureusement Jésus vient nous remettre à notre juste place ou plutôt nous appeler à avancer plus haut. Il nous redit que nous avons la chance d’être faits pour vivre en fils de Dieu, en frères et sœurs de tous. Nous sommes faits pour vivre à la place de Dieu, pour aimer comme Il nous aime. En Jésus, Il vient nous libérer, nous sauver de la bassesse de nos mondanités pour nous donner de vivre à la hauteur de notre condition, de notre dignité de fils et de filles de Dieu.

    Alors en cette rentrée saisissons la main que Dieu nous tend, car dans notre communauté paroissiale, les nouveaux visages sont assurément des invités qui attendent de trouver leur juste place. Le Seigneur a un grand désir de leur dire : « Mon ami, avance plus haut. » Il a besoin de nous pour cela : saurons-nous les aider à avancer dans nos communautés ? Leur rencontre est en soi un trésor, suggère Jésus. Le cercle des convives s’agrandit de ces nouveaux visages, sachons les accueillir au-delà des services rendus.

    Et sur le fond de cette amitié gratuite faisons signe aussi de cette fraternité élargie à laquelle le Seigneur ne cesse de nous inviter chaque dimanche à l’Eucharistie, car voyez-vous les pauvres, les estropiés, les boiteux ne vont pas nous inviter facilement chez eux, mais ils sont de la famille eux aussi ! En cette année de la miséricorde, l’ouverture très concrète de nos tables à leur présence fait résonner l’ouverture de notre cœur : c’est bien avec le Christ que nous mangeons, sans le savoir, dans la prière en acte que deviennent nos repas élargis en écho à l’invitation du Seigneur : « heureux, bienheureux les invités au repas du Seigneur ! ».

P. Patrick Rollin