Fragile ou vulnérable – Journal N°29 – juin 2015

Dans une société où il est souvent nécessaire d’être fort et performant, il est difficile d’évoquer la fragilité et pourtant, celle-ci fait partie de notre humanité. Reconnaissons que nous préférons la logique du plus grand à celle du plus petit. En chacun de nous il y a un désir de performance, parfois de toute-puissance, sous peine d’être mis à l’écart.

Un chemin de conversion

Nous confessons un Dieu tout-puissant et un reproche qui lui est fait est de ne pas entrer dans notre vision de la toute-puissance qui consiste à être le plus fort et à supprimer la fragilité. La toute-puissance ne supprime pas la fragilité mais elle ouvre un passage – n’oublions pas que Pâques signifie passage -, de la fragilité à la vulnérabilité.

Un chemin de vie

La vulnérabilité consiste à reconnaître sa fragilité non pas pour la fuir mais pour qu’elle devienne un lieu de rencontre et de communion. La fragilité subie limite notre capacité à faire tandis que la vulnérabilité acceptée augmente notre capacité à aimer. Notre vie ne va-t-elle pas de la vulnérabilité du bébé à la vulnérabilité de la personne âgée ? En effet, le bébé n’est pas encore capable de faire et le vieillard est souvent de moins en moins capable de faire, mais tous deux savent aimer, aimer de façon unique et irremplaçable.

Un chemin de fécondité

La fragilité risque de nous replier sur nous-mêmes, tandis que la vulnérabilité nous ouvre à l’autre : « Je ne peux pas tout, y compris t’aimer autant que je le voudrais et j’ai besoin de ton amour et de ta confiance pour devenir plus fort. » Oser être vulnérable, c’est oser se montrer fragile en laissant l’autre me rejoindre dans ma propre fragilité. C’est ainsi que nous entrons en communion les uns avec les autres. Ce n’est que dans cette attitude intérieure que nous devenons capables d’accueillir l’autre dans sa propre fragilité. Sans cela, nous risquons de l’ignorer ou de le juger.

Un chemin de foi

C’est bien ainsi que Dieu se révèle à nous. Sur la croix, Jésus est totalement vulnérable. C’est cela la toute-puissance de Dieu, celle de l’amour qui s’offre sans s’imposer. Accueillir la vulnérabilité du crucifié, c’est croire que la vulnérabilité offerte atteint le coeur de l’autre et le fait grandir. C’est lorsque nous sommes vulnérables que nous devenons forts, d’une force qui brise notre égocentrisme et nous ouvre au frère, révélant à chacun la beauté intérieure de son coeur. C’est alors qu’une authentique communion devient possible …

Père Bruno Houpert
curé de Sainte-Blandine-du-Fleuve