Sixième dimanche de Pâques – année B

L’Évangile de ce dimanche est la suite de l’Évangile de Jésus que nous attendions la semaine dernière et qui se terminait par : « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples ». Notre vie trouve toute sa fécondité si nous demeurons dans l’amour du Christ. Et, nous disait Jésus, demeurer dans son amour c’est être fidèle à ses commandements. C’est d’ailleurs sur un commandement que l’Évangile se termine : « Ce que je commande, c’est de vous aimer les uns les autres ».

Mais comment peut-on commander d’aimer. Si aimer correspond à un sentiment, il va de soi que cela ne peut pas se commander. Mais le véritable amour engage notre volonté. Aimer c’est vouloir aimer. C’est bien ce à quoi s’engagent ceux qui se marient sacramentellement lorsqu’ils se disent l’un à l’autre : « Je le veux ». Pour s’aimer les uns les autres, pour aimer quelqu’un par-delà ses défauts, ses limites ou même la souffrance qu’il nous inflige, il faut vouloir l’accueillir par-delà ce que nous percevons de lui.

Un tel amour n’est réalisable que dans le don de soi. Vouloir aimer, c’est se décentrer de soi pour se donner à l’autre : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». En nous indiquant ce chemin – qui n’est rien d’autre que celui que Jésus a vécu – Jésus nous assure qu’il nous dit cela pour que nous soyons comblés de joie. Là encore cette joie n’est pas un sentiment, c’est la joie même du Ressuscité : « Pour que ma joie soit en vous ». Cette joie exprime la communion d’amour qui unit le Père et le Fils et l’Esprit. Tout « comme le Père m’a aimé… je demeure dans son amour », nous dit le Fils. Jésus désire nous communiquer sa joie, cette joie qui résulte de l’amour reçu de son Père et du don de sa vie par amour de tous les hommes.

Jésus nous fait alors découvrir qu’il nous appelle à entrer en amitié avec lui. Nous ne sommes pas ses serviteurs, car c’est Jésus lui-même qui se fait de notre serviteur : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22, 27). Notre vocation c’est l’amitié avec le Christ. Nous pouvons nous interroger sur ce que cela signifie pour notre relation au Christ. Dans nos relations humaines d’amitié, ce qui compte ce n’est pas ce que nous faisons pour nos amis, mais la gratuité de la relation que nous avons avec eux, le fait d’être bien ensemble. Pouvons-nous dire la même chose de notre relation avec le Christ ?

Jésus insiste alors pour nous redire que c’est lui le premier qui nous a choisis. Quand bien souvent nous avons l’impression que c’est nous qui décidons d’aimer Dieu, de suivre le Christ, de vivre l’Évangile, c’est en fait le Christ qui nous a d’abord choisis. Non pas parce que nous serions meilleurs que les autres – il n’est pas question ici de privilège – mais c’est la libre volonté du Père de nous aimer en son Fils. Comme tel, Dieu n’a pas besoin de nous pour être Dieu mais il a choisi de nous créer par son Fils pour nous donner son amour espérant que nous choisissions en réponse de lui donner le nôtre.

Saint Jean, dans la deuxième lecture, l’exprime encore plus clairement : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés ». C’est ainsi que notre vie est le lieu d’une promesse : « c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure ». Et cette promesse, Jésus l’affirme sans condition. En l’aimant il nous ouvre un avenir – vous alliez – et donne à notre vie une fécondité durable – vous portiez du fruit qui demeure –.

L’Évangile de ce dimanche nous montre à quel point Dieu s’engage dans notre vie tout en respectant notre volonté et avec le seul désir que nous le connaissions. Et pour le connaître, il suffit d’aimer, de nous aimer les uns les autres. Vivre de l’amour reçu du Fils fait de nous des frères. Dès lors que notre volonté s’ajuste à celle de son Fils, tout ce que nous demandons au Père en son nom il nous l’accorde (cf. évangile). La volonté du Père est que nous vivions par le Fils (cf. deuxième lecture).

Cette longue méditation du chapitre 15 de l’Évangile de Saint Jean nous permet de saisir combien nous sommes appelés à entrer dans la dynamique de l’amour trinitaire. Si du côté de Dieu tout nous est donné, il nous appartient de décider si nous sommes prêts à répondre par toute autre vie à cet amour trinitaire. « Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint [bibliquement, craindre signifie respecter et n’induit pas la notion de peur] et dont les œuvres sont justes » (première lecture). C’est donc à nous de décider ce que nous voulons vivre par le Christ, avec le Christ, en Christ. Il nous dit cela pour que nous soyons comblés de sa joie. Il ne nous reste plus qu’à décider de le vivre au quotidien…